Après deux premières formations en Design d’Objet à l’ESDMAA en France et à l’ESA Saint-Luc Tournai en Belgique, j’ai poursuivi mon parcours au sein du Master en Design Textile à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. C’est là que j’ai consacré deux années de recherche à un projet autour de la laine issue de ma bergerie familiale, inscrivant ma pratique dans un dialogue intime entre matière, territoire et mémoire.
Cette longue fibre rustique, historiquement utilisé pour la literie ou l’isolation, est aujourd’hui délaissée par l’industrie textile moderne. Considérée comme grossière, dite «poilue», elle a peu à peu disparu des circuits de valorisation, abandonnée et brûlée sur les terres familiales sans aucune solution pour la faire renaître de ses cendres.
Cette matière oubliée devient pour moi le point de départ d’un travail mêlant collecte d’archives, reproduction de savoir-faires et expérimentations de techniques contemporaines. Une fois tondue et triée dans la bergerie, je confie la laine à la filature de Niaux, en Ariège, l’un des derniers lieux en France où le lavage et le cardage sont encore possibles. Mais en raison de la disparition progressive des savoir-faire industriels adaptés à ce type de fibre rustique, la laine Manech ne peut plus être transformée en fil. Ce constat a orienté ma pratique vers la technique du feutrage à l’aiguille, une méthode qui permet de révéler les qualités singulières de cette matière sans passer par le filage ni l’eau.
Entre tradition et innovation, mon projet cherche à réintégrer cette laine dans nos habitats et nos usages, en lui offrant une nouvelle place dans le quotidien. À travers des surfaces textiles, des installations et des objets à la frontière entre art, artisanat et design, je questionne la capacité de cette fibre à redevenir un élément structurant, isolant et poétique de nos espaces de vie. Mon travail se veut un hommage aux gestes et aux récits du territoire basco-béarnais, et une invitation à imaginer de nouveaux usages pour une matière locale et vivante, capable de porter la mémoire des montagnes et de dessiner des futurs plus attentifs au paysage et aux ressources qu’il nous offre.
After two first training programs in Object Design at ESDMAA (France) and ESA Saint-Luc Tournai (Belgium), Claire Jouanchicot continues her journey/career within the Master in Textile Design at the Royal Academy of Fine Arts of Brussels. It was there that she devoted two years of research to a project around the wool from her family sheepfold, inscribing her practice in an intimate dialogue between matter, territory and memory. Originally from Béarn and the Basque Country, Claire strives to restore meaning and visibility to a neglected resource: the Manech Tête Rousse sheep wool. This raw and local material becomes the anchor point of reflections on the disappearance of the rural textile sectors and the transmission of ancient gestures. Between tradition and innovation, she develops textile surfaces that reactivate the memory of this forgotten material. Her work takes the form of a living laboratory where technical experiments, collected stories and artisanal expertise intersect. Her sensitive and committed approach questions the place of textiles in our habitats of yesterday, today and tomorrow. By exploring the ability of wool to become a structuring element of our living spaces again: insulating, enveloping, tracing gestures, Claire shapes objects and installations that tell of her territory, her mountains and these human lives that have always been punctuated by the seasons and transhumances.